Caterina (Anime oneste)
Caterina (Anime oneste) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Les personnages de Grazia Deledda

Description

En 1926, Grazia Deledda reçut le prix Nobel de littérature. Le jury lui a attribué une "puissance exceptionnelle d'écrivain, soutenue par un idéal élevé, qui représente dans des formes plastiques la vie telle qu'elle est dans son île natale isolée, et qui traite en profondeur et avec chaleur des problèmes d'intérêt humain général."

C'est cette puissance et cette profondeur qui rendent encore aujourd'hui les nouvelles et les romans de l'auteure de Nuoro actuels et captivants. Ses personnages sont à la fois symboliques et réalistes : nous y reconnaissons les ambitions, les espoirs et les pulsions de l'âme humaine ; nous nous passionnons en les voyant lutter - et bien souvent succomber - face à un destin inéluctable.

Zio Berte (Elias Portolu)
Zio Berte (Elias Portolu) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU
Maria (La via del male)
Maria (La via del male) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Dès ses débuts, les histoires de Deledda sont émaillées de personnages confrontés à l'innocence et à la culpabilité, à la loi morale et à ses dérogations et infractions. Maria dans "La via del male" (1896) choisit de détourner les yeux face à une vérité inconfortable qui détruirait son bonheur. Dans "Anime oneste" (1895), nous suivons à travers les yeux d'Anna le passage de Caterina de l'enfance à l'âge adulte et sa recherche du bonheur, peu importe le malheur des autres.

Il y a de l'amour, mais aussi de l'amitié, comme celle de Costantino pour Simone dans "Marianna Sirca (Marianna)" (1915), il y a l'innocence de Pretu dans "Colombi e Sparvieri (L'amour et la haine)" (1912) et la ruse de Zio Berte dans "Elias Portolu" (1900).

Costantino (Marianna Sirca)
Costantino (Marianna Sirca) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU
Pretu (Colombi e Sparvieri)
Pretu (Colombi e Sparvieri) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Un siècle nous sépare du monde raconté et vécu par Grazia Deledda.

Un monde dont l'écrivaine raconte parfois l'actualité et les transformations.

Dans "Dopo il divorzio" (1902), Deledda imagine un monde où le divorce est possible (la proposition de loi correspondante du ministre Zanardelli date de l'année précédente) et où Giovanna, pour échapper à la misère qui suit l'incarcération de son mari, se remarie, poussée aussi par le pragmatisme de sa mère Bachisia, pour se retrouver ensuite au centre de la désapprobation de la ville.

Bachisia (Dopo il divorzio)
Bachisia (Dopo il divorzio) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU
Kallina (Canne al Vento)
Kallina (Canne al Vento) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Kallina, la vieille usurière de "Canne al Vento (Roseaux au vent)" (1913), subit la stigmatisation sociale pour son indépendance et ses compétences entrepreneuriales.

Annesa (L’Edera)
Annesa (L’Edera) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Le plus souvent, les personnages sont des défenseurs convaincus du code moral qui les guide et qu'ils se retrouvent souvent à enfreindre.
Annesa, protagoniste de "L’Edera (Le lierre)" (1907), "fille spirituelle" de la famille Decherchi, tue le vieux avare Zio Zua pour sauver la famille de la ruine économique et en particulier son bien-aimé Paulu. Son esprit tourmenté et son chemin difficile vers la rédemption font de ce roman un pilier de la littérature italienne.

Les normes sociales et les superstitions, les comportements et les lois sont en partie très différents des nôtres. Les transgressions et les scandales nous semblent parfois plus légères et plus injustifiables, à l'aune contemporaine. Mais cela n'empêche pas de saisir la vérité profonde même dans des personnages profondément liés à ce monde passé, comme Maria Maddalena et Paulo dans "La madre" (1919). Leurs désirs et leurs sentiments de culpabilité, même à la lumière de l'innocence du servant d'autel Antioco, les rendent toujours actuels et universels.

Antioco (La madre)
Antioco (La madre) - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU
San Michele Arcangelo
San Michele Arcangelo - Daniela Spoto 2021, © CCIAA NU

Grazia Deledda avait également un esprit ironique et brillant, qui émerge souvent dans ses récits ou ses courts écrits, comme dans la légende de l'archange Saint Michel : la vieille vendeuse d'œufs Zia Biròra est secourue par l'archange lui-même, qui lui offre même cent lires, mais qui se révèle ensuite être un brigand impitoyable, quoique incroyablement élégant.