La révolte de Su Connottu
La révolte de Su Connottu - Daniela Spoto 2023, © CCIAA NU

La révolte de Su Connottu

Description

En 1820, le roi Victor-Emmanuel Ier avait promulgué l'Édit des clôtures, une mesure autorisant la privatisation des terres jusqu'alors publiques. Quarante-cinq ans plus tard, en 1865, une autre loi abolissait l'utilisation des biens communaux, appelés "usages ruraux" ou "ademprivi", qui avaient jusqu'alors permis à la population de récolter du bois et des fruits et de faire paître le bétail sur ces terres.

Victor Amédée II en Majesté, huile sur toile, Martin van Meytens 1728
Victor Amédée II en Majesté, huile sur toile, Martin van Meytens 1728 - © Consorzio delle Residenze Reali Sabaude – Reggia di Venaria Reale in affidamento da Regione Piemonte - https://g.co/arts/7H4VxaH62b5tNPTA6

L'abolition de ces droits a été source de grandes difficultés économiques pour les couches les plus pauvres de la population et a constitué une véritable menace pour leur survie. L'insatisfaction et la révolte se propageaient dans les campagnes et les villages.

Le 26 avril 1868, suite à l'annonce de la mise aux enchères des dernières terres communales et à une affiche publique intimant aux bergers sans ressources d'évacuer les terres en vente, une révolte éclata à Nuoro, dirigée par Paska Zau, une veuve de soixante ans et mère de dix enfants. À la tête d'un groupe de manifestants et criant "Torramusu a su connottu" ("Revenons à la coutume" en sarde), Paska Zau fit irruption dans la mairie et brûla les documents cadastraux, un acte à la fois symbolique et pratique, car il rendrait plus difficile la vente des terres.

Cet épisode est raconté, entre autres, par le poète Salvatore Rubeddu (1848 - 1891), dans un poème en latin macaronique intitulé "Passio" a su connottu. Le texte, bien qu'ayant des connotations ironiques et misogynes, reflète la réalité historique d'une protestation où les femmes, responsables de la gestion des ressources économiques familiales en Sardaigne par tradition, ont pris l'initiative de défendre leurs droits. Rubeddu mentionne non seulement Paska Zau, mais aussi sa fille Tonia, ainsi que Tonia Porcu, Tatana Crudu, Mariantonia da Mamoiada, Tonia Ormena et Moritta.

Les instigateurs de la révolte faisaient partie de la franc-maçonnerie locale, mais la protestation était réellement populaire et les 69 personnes arrêtées – dont bien évidemment Zau – étaient principalement des membres du peuple, accusés de désordres et de pillages. La révolte obtint en partie les résultats escomptés, retardant la vente de quelques années (les procédures se sont achevées en 1872, pendant lesquelles les bergers ont continué à utiliser les terres communales).

Nuoro, place Su Connottu. Plaque
Nuoro, place Su Connottu. Plaque - CC BY-SA 4.0 Aggrucar, Commons Wikimedia - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Su_Connottu.jpg

Grâce à l'intervention de Giorgio Asproni, alors député, une amnistie fut accordée à tous les participants, et surtout une enquête parlementaire fut lancée, avec une commission présidée par Agostino Depretis, pour examiner les "conditions morales, financières et économiques de l'île de Sardaigne", qui lança un débat important sur l'avenir de l'île.

La révolte de Su Connottu et la figure de Paska Zau sont aujourd'hui rappelées par une plaque devant le Palazzo Martone, l'ancienne mairie où a eu lieu la révolte.